Le Transsibérien

Depuis le temps que j'en rêvais... le Transsibérien ! 




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Cette ligne ferroviaire mythique est cette année centenaire ! Elle traverse la Russie d'Est en Ouest en une semaine, et passe 7 fuseaux horaires. 
  La ligne du Transsibérien relie Moscou à Vladivostok sur une distance de 9 288,2 km.
La construction de la voie ferrée a débuté vers la fin du XIXe siècle, cristallisant la conquête de nouveaux territoires par la Russie, pays industrialisé. Puis, de guerres civiles en guerres mondiales, les frontières entre la Russie, la Chine, la Mongolie ont été ajustées, et des lignes ferroviaires complémentaires ont relié ces pays entre eux pour faciliter les échanges. Le Transsibérien se modernise et la ligne est électrifiée. De petites villes sont construites pour les ouvriers le long du trajet en chantier. A partir de 1930, les travaux de la ligne sont effectués par les prisonniers du goulag en Sibérie, ainsi que des prisonniers étrangers : Japonais, Espagnols... Le chantier est titanesque, et l'entreprise ambitieuse : ponts, tunnels, la voie ferrée s'ancre dans le paysage en s'enfonçant peu à peu vers l'Est, dans la Sibérie sauvage. 
En 1949, la ligne arrive à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie. Le chemin de fer continue ensuite à travers la Chine, jusqu'à Pékin.
Le chantier de la ligne Baïkal-Amour Magistrale, le BAM, est commencé dans les années 30, abandonné pendant la guerre, puis repris dans les années 70 et terminé dans les années 80. La ligne du BAM commence à Taïchet, au croisement de la ligne du Transsibérien, et se poursuit jusqu'à Sovietskaïa Gavan près de l'Océan Pacifique, en suivant par le nord la ligne du Transsibérien de façon parallèle, à travers la Sibérie orientale. Le BAM a été imaginé par le gouvernement russe qui craignait l'invasion du sud du pays par la Chine. Ainsi, si le Transsibérien devait devenir chinois, le BAM permettait de garder une connexion entre la Russie occidentale et la Russie orientale. La Chine ne s'étendra finalement jamais jusqu'à la Sibérie, et le BAM est aujourd'hui peu emprunté. Certains Russes ne savent d'ailleurs même pas que cette ligne est opérationnelle depuis plus de trente ans !

Voici l'itinéraire prévu... 



J'ai donc suivi l'itinéraire du Transsibérien, de Moscou à Taïchet. Tandis que la ligne du Transsibérien contourne le lac Baïkal par le Sud, via Irkoutsk, pour filer ensuite vers l'Est jusqu'à Vladivostok, j'ai pris la ligne du BAM qui bifurque à partir de la gare de Taïchet. J'ai alors passé 3 jours de train jusqu'à Komsomolsk-na-Amoure, en passant par le Nord du lac Baïkal.
De Komsomolsk, j'ai ensuite pris la liaison qui descend en piqué vers le Sud jusqu'à Khabarovsk. Enfin, je suis remontée dans le Transsibérien pour repartir dans l'autre sens, vers l'Ouest, et faire ainsi une boucle jusqu'à Oulan-Oude. C'est ma dernière étape en Russie avant de rejoindre Oulan-Bator à 12h de bus, en Mongolie. Ce trajet peut aussi se faire en train, le Transmongol, mais le voyage est plus long et coûte trois fois plus cher.













Un billet du Transsibérien

Il faut savoir que l'heure indiquée sur les billets de train, départ et arrivée, et les horloges dans les gares, est toujours celle de Moscou. Or, le Transsibérien traverse 7 fuseaux horaires ! Il faut donc toujours calculer son heure locale. 
Par exemple, le billet ci-dessus indique :
départ de Khabarovsk à 16h32 (heure de Moscou), donc le train part à 23h32, heure de Khabarovsk, car Khabarovsk = Moscou+7h
Arrivée à Ulan-Ude à 18h01 (heure de Moscou), donc le train arrive à 23h01, car Oulan-Oude = Moscou+5h.



Il y a un(e) provodnitsa dans chaque wagon.
Celle-ci vérifie les billets et passeports des passagers qui montent dans son wagon. Quand le train démarre, elle donne à chacun un lot de deux draps, une taie d'oreiller et une petite serviette de toilette empaquetés ensemble dans un film plastique. En général, le paquet est tout chaud, comme presque sorti de la machine à laver, "pour montrer que l'on nous donne des draps frais et propres", me dit en riant mon hôte de couchsurfing ! Gare au passager qui ne rend pas son lot de draps au complet avant de quitter le train, la provodnitsa veille à ce que chacun rende ce qu'il a emprunté.









Reflet du train-train quotidien.



Dans un demi-sommeil, je regarde passer les heures...



Allongée sur ma couchette, je somnole et écoute les bruits de la journée : frottements des rails ou des câbles, respiration lente et régulière de celui qui dort sur la couchette en-dessous, bavardages, mastications, sac plastique froissé, ronflements, rires...
Dans le train, les gens mangent, jouent aux cartes, font des mots fléchés, dorment, se racontent leur vie. Souvent, je suis la seule à lire un livre ou à écrire, ce qui suscite parfois des regards intrigués et des questions de la part de mes voisin-es de compartiment.
 
Il n'y a plus d'heures, puisque celle indiquée à l'entrée du wagon ou sur le fronton des gares est obsolète. Le temps, anarchique, passe trop vite... ou trop lentement, je ne sais plus... 

D'interminables trains de marchandises passent sur la voie d'en fasse. Ils sont tellement lents que l'on a le temps de compter les wagons. Une quarantaine, une cinquantaine, ou plus.







Ancienne gare de Ekaterinbourg, aujourd'hui devenue un musée ferroviaire.







 Quand le train s'arrête dans une gare, c'est l'occasion de sortir se dégourdir les jambes.
Les uns fument une cigarette, les autres achètent des choses à boire et à grignoter aux kiosques sur le quai, ou partent en ville acheter des provisions si on a le temps.



Pendant qu'on fait des achats au kiosque, la provodnitsa veille à ce que les passagers remontent dans le train avant le départ.







Le chemin de fer russe est parfois construit sur d'immenses marais ; je me demande comment il tient depuis tant d'années sans s'affaisser.
















 Gare de Omsk.


Passagers rencontrés dans le train. Ces deux frangins Ouzbèkes ont travaillé deux ans en Russie, et rentrent en Ouzbékistan voir leur famille. L'un d'eux me fait cadeau d'un billet de monnaie ouzbèke pour que, le jour où je viendrai en Ouzbékistan, je puisse me payer un ticket de métro ! Ce que je ferai quelques années plus tard en passant par Tashkent.
Naturellement, tout le monde bavarde avec tout le monde dans le wagon, échangeant des tranches de pain contre du poisson fumé, partageant du pâté ou des biscuits. Lorsque je réponds que je ne parle pas russe, cela suscite la curiosité de mes voisins de couchette. En général, comme j'ai le réflexe de répondre en anglais, après avoir étalé le peu de mots russes que je peux dire, on me prend pour une américaine. Mais quand je réponds que je suis Française, je sens mes interlocuteurs se détendre et afficher un sourire. Ils se demandent souvent ce que je fais là, voyageant seule, et quel est mon intérêt à prendre le train "juste pour prendre le train" ! En effet, eux vont tous quelque part. Certains sont salariés de la RZD, la compagnie des chemins de fer russes, d'autres en visite chez de la famille, d'autres encore vont travailler quelques temps loin de chez eux. 

 "Affronter l’imprévu quotidien des rencontres, c’est rechercher une autre image de soi chez les autres, briser les cadres et les routines des mondes familiers, c’est se faire autre et, d’une certaine façon, renaître." Jacques Lacarrière












Ambiance à l'intérieur du train.



Des pieds à tous les étages !




 Au bout de chaque wagon, un samovar, réservoir d'eau chaude, est à disposition des passagers pour faire du thé, du café, de la soupe, des nouilles... C'est pour ça que l'on a tous des produits lyophilisés ! La provodnitsa s'occupe de ravitailler régulièrement le réservoir en charbon.





 Pour boire un thé ou un café, on peut emprunter une de ces jolies tasses à la provodnitsa !
Pour en avoir une en souvenir, j'ai cherché à en acheter une. Mais à bord du train, il ne vendent qu'une tasse souvenir pas très belle avec des illustrations de train, pas celles avec les élégantes arabesques dans lesquelles on boit dans le train. Grâce à un contact, je découvre un site de vente d'objets d'occasion du même genre que Leboncoin, et en achète une vraie ! Mais alors d'où vient-elle ?... Y aurait-il un "trafic" organisé par les provodnitsa elles-mêmes ??



Gare de Novossibirsk sous la pleine lune.



Les levers de soleil ont un goût particulier quand on voyage en train pendant plusieurs jours...











J'ai conscience que les lignes du BAM et du Transsibérien ont été majoritairement construites par les prisonniers de guerre et les déportés, d'ailleurs il y avait des goulags un peu partout en Sibérie où des milliers de gens sont morts de froid, de faim et d'épuisement. Mais on voit rarement un mémorial, une plaque commémorative à tous ces disparus. Il semblerait que cette partie de l'Histoire soit volontairement passée sous silence, mais qui peut vraiment oublier ?...



Lumière mouillée













Je ne cherche pas à visiter des lieux rendus célèbres par des écrivains russes, ni à voir des restes de goulag. Je préfère découvrir ce qu'est la Russie d'aujourd'hui : des villes et villages qui continuent à vivre, parfois comme il y a 50 ans, avec de petits potagers devant les datcha en bois, et des voitures datant d'une autre époque dont beaucoup de Lada...








La forêt baigne dans la lumière dorée de l'automne.














Le principe du Transsibérien, pour un voyageur, c'est de prendre le Transsibérien... Comme pour de nombreux voyages, une danse, un morceau de musique, la destination importe moins que le voyage lui-même.





Il fait chaud dans le wagon, l'air ne circule pas. On ouvre une fenêtre pour se rafraîchir. Au bout du couloir, un petit écran digital indique "15:20 +23°C". Information dérisoire... L'heure indiquée est bien sûr celle de Moscou. Mais il fait nuit dehors, il doit être 21h20 ici...









Les forêts de bouleaux font partie des images qui marqueront mon voyage à travers la Russie.















Le bois est l'une des richesses du pays. Malheureusement, son commerce fait des ravages. La forêt sibérienne, qu'on appelle la taïga, est exploitée par la Russie pour faire de nombreux objets comme de la vaisselle, des matriochka, les maisons et la charpente... mais elle est aussi largement exploitée par la Chine, les Etats-Unis, le Japon, la Corée...

On croise des usines et des trains transportant du bois un peu partout.



  Village au bord du lac Baïkal 




Mes photos ont d'étranges couleurs, en effet l'air est envahi de fumée provenant d'un incendie de forêt, et mon appareil photo tente de percevoir les couleurs du paysage... à sa manière !
 
 











 Statue de Lénine dans une gare. Je ne pensais pas qu'il y en aurait encore autant en Russie.

















































Vent fou et horizon doré
 







 Région enfumée par un incendie de forêt.










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