Retour en Russie


Au consulat russe de Tokyo, je me lance à nouveau dans les formalités administratives afin d'obtenir un deuxième visa russe... l'expérience s'avère finalement plus facile qu'à Paris, le personnel étant moins exigeant, et j'obtiens mon visa en une semaine : 
je peux retourner en Russie !!






Les étapes : arrivée par avion à Irkoutsk, en bus par la route puis sur la glace pour l'île d'Olkhon sur le lac Baïkal, train pour Severobaikalsk, puis Uoyan, retour à Severobaikalsk, en Transsibérien jusqu'à Novossibirsk, vol pour Saint-Pétersbourg.


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Un autre rêve se matérialise : le lac Baïkal en hiver !

C'est un endroit magique, ou l'on marche sur cette étendue de glace... à la fois excitant et terrifiant !


Voitures, patineurs, cyclistes, marcheurs empruntent la piste de glace... c'est ici un monde étrange.


Les formations de glaces sont de vraies oeuvres d'art.



Les stries blanches et les bulles prisonnières dans la glace font ressortir le noir intense du lac le plus profond du monde... imaginer le vide insondable sous mes pieds me donne le vertige ! 
C'est comme une paroi transparente s'ouvrant sur un autre monde, immobile, un négatif blanc et noir argentique.




La texture de la neige ne semble par être la même selon les zones du lac : lisse, mouchetée, craquelée, moutonneuse, poudrée...



Je donne du mouvement à ce paysage immobile...


Lumière du crépuscule prisonnière de la glace.



 Les maisons sur l'île d'Olkhone.


Les vagues de glace aux mouvements imperceptibles ont soulevé de lourdes plaques translucides.


  Aventure à vélo sur le lac Baïkal !!






"A bicycleeeetteuh !"
Petite pensée à Yves Montant






Cette année, la neige a recouvert le lac gelé, et une piste a été dégagée pour les véhicules.



Le cap Burkhan, l'un des lieux énergétiques les plus puissants au monde pour les chamanes.


Masque représentant un chamane de Sibérie.






Inspiration, mouvement et immobilité.




 Bulles figées, instantané d'un bouillonnement glacé




Des plaques de glace sous la glace... c'est possible en Russie !!









Le village de Khuzhir me rappelle les petites villes de Mongolie. Assez désertique, autant par le peu de passants que l'on croise que par la végétation rare qui l'entoure.



 Beaucoup d'endroits en Russie, mais aussi des gens, m'ont donné ce sentiment d'être abandonnés. 
Ici, des bateaux semblent ne plus rien attendre de la vie...


Une ancienne conserverie, laissée pour morte.




 Dans cette ferme abandonnée, de drôles d'animaux peuplent les murs. A sa fenêtre, le fermier veille.


 Entre les murs en ruine et les pièces sans portes passe un chien silencieux, comme un fantôme du passé... ou du présent ?


Tristes clowns peints sur des bateaux rouillés.







La glace semble avoir été travaillée par un orfèvre...






Le chaos en silence...




Le cap Khoboy, à 40 kilomètres au nord de l'île.










Le soir sur la glace



 Ma petite maison chez Nina Nicolaievna, une babouchka bouriate.
Beaucoup de voyageurs vont à la célèbre auberge de Nikita. Mais celle-ci n'est plus, paraît-il, l'auberge des backpackers qu'elle était, mais devient plutôt une usine à touristes. Je préfère être chez une habitante. Nina est une professeure d'allemand retraitée, et touche une pension de 10.000 roubles, soit environ 160€. Ses petits bungalows pour accueillir des voyageurs lui permettent de joindre les deux bouts. De temps en temps, elle partage un peu de lait frais de sa vache, et des fruits de son potager.




 Le cyber café de Khuzhir !







 Le cap Burkhan


Les totems chamaniques représentant diverses déités locales.












L'école primaire de Olkhone, voisine du petit musée local.
J'y rencontre la professeure d'anglais qui, avec un sourire triste, me montre son matériel pédagogique : un vieux livre d'anglais à la couverture arrachée. 
"Tu vois, on ne nous donne pas les moyens d'enseigner correctement, ici. Ce sont des livres pour des élèves de 5ème année, trop difficile pour les enfants."






 Un soir, suite à une rencontre avec un Russe de Khuzir, je me retrouve en plein spectacle local pour la célébration du Tsagaan Sar, le nouvel an lunaire chez les Bouriates, les Mongols, ainsi que dans les régions de l'Arctique comme le Groenland ou la Laponie.


 Chants et danses sont présentés par des acteurs de tous âges vêtus de costumes traditionnels. 




Irkoutsk :


 La rivière Angara




 










Les églises de Irkoutsk, visite d'un clocher et rencontre insolite avec un maître carillonneur.









 Synagogue de Irkoutsk

 Mosquée de Irkoutsk

 Résidence de la famille Soukhatchev, ancien maire de Irkoutsk















Le samovar, pour le thé russe.



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Escapade à Listvyanka :







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En route vers le nord...
De Irkoutsk, je prends le train pour Severobaikalsk. Après 36h de trajet, je suis de nouveau accueillie à l'auberge de jeunesse de Evgueny où j'avais été en septembre dernier. Il m'accueille chaleureusement, Evgueny est comme mon "diedouchka rouski", mon grand-père russe ! Celui-ci m'a organisé une excursion originale : la visite d'une ferme de rennes dans le nord du Baïkal et la rencontre d'une famille Evenk. Les Evenks sont une minorité locale, comme les Bouriates. Il étaient autrefois un peuple nomade vivant de la chasse, de la pêche et de leurs troupeaux de rennes. Aujourd'hui la plupart d'entre eux sont sédentarisés. Leur culture est sauvegardée par une poignée d'entre eux, dont Sasha que je rencontre à Uoyan, ancien village Evenk. 
J'ai donc pris le train pour Uoyan, avec Katya, une femme russe qui est bilingue et me servira de traductrice. Sasha est venu nous chercher pour nous emmener à la ferme. Il a les yeux clairs et rieurs, une longue ride remonte de son menton jusqu'au coin de son oeil en barrant sa joue, et son sourire dévoile des dents dorées. Il est venu avec son fils Serguey, un jeune homme de 25 ans qui est papa depuis peu.
Nous faisons environ 4h de route en 4x4 dans la taïga. Au détour d'un sentier qui semble être au milieu de nulle part, nous retrouvons ses employés de la ferme, Volodia et Aleksandr, deux petits bonshommes au visage tanné par la vie rude de la forêt. Ils sont venus avec des rennes du troupeau et nous attendent autour d'un feu de camp sur lequel ils ont préparé du thé noir avec des herbes sauvages, du pain et du poisson. Nous faisons encore 1h ou 2 en traîneau avec eux jusqu'à la ferme. Les paysages sont splendides malgré l'air glacial, traversant la forêt dense, des clairières recouvertes de neige scintillante, et un lac gelé. Il fait -20°C, mais pour eux ce sont des températures printanières !
A la ferme, il y a une maison principale datant de l'époque soviétique, durant laquelle les fermiers avaient ici un troupeau de 1000 rennes, et puis une maisonnette, un banya (le sauna russe) et une cuisine d'été, le tout construit par Sasha.


Sasha pose fièrement avec ses rennes.


A gauche sur la photo, une zibeline, principale gibier traqué pour sa fourrure douce et chaude pour faire des chapkas, moufles, écharpes... par les températures sibériennes, la fourrure synthétique ne suffit pas.


La route sur le lac Amout Diak en traîneau.


Aleksandr


A la ferme, Sasha emploie ces deux hommes très sympathiques, drôles et accueillants : Aleksandr et Volodia. Ceux-ci vivent toute l'année à la ferme, et s'occupent des rennes.



 En s'enfonçant dans la taïga blanche, j'essaie d'imaginer ce que pouvaient ressentir les ouvriers russes, venus de l'Ouest pour construire les voies du BAM et du Transsibérien, traversant l'immense Sibérie... Dans sa conquête de l'Est sauvage, lors de la course à l'industrialisation, l'Humain s'est frayé un passage dans les forêts, les marécages, les tourbières et la terre gelée, bâtissant des ponts au-dessus des rivières et des tunnels dans les rochers.




Par -20 degrés, on a des perles de glace au bout des cils !



Sitôt pêché, on fait fumer le poisson, le davatchan, pour le manger.



Une tchoum, habitat traditionnel evenk fait de bois et d'écorce, parfois aussi de peau. Heureusement, nous n'y dormons pas !



Serguey et Aleksandr.





Le thé avec Aleksandr dans une hutte de chasseurs. 
Pour faire du thé n'importe où, il suffit de remplir une bouilloire de neige et de la laisser bouillir sur le feu !





 Pause casse-croûte sur la route, dans la taïga.


 Nous nous arrêtons près d'un arbre où Sasha va faire une offrande. Ici, de nombreux rubans sont laissés par les chauffeurs de passage, mais aussi de la nourriture, des cigarettes... Les Evenks cultivent encore les traditions chamaniques.


 Quand la neige fond, la voiture s'enlise ! Il faut alors dégager la piste avec des pelles et des pics à glace.


 Hutte de chasseurs.


 La route en traîneau.












 Sur le lac Amout Diak.





 Notre dîner : pelmyenis, pain frais, poisson fumé.































 Notre maison.





 La troupe


 Aleksandr nous montre ses trucs de trappeur.
Ici, un piège à zibeline.


 Piège à ours.


 Journée de pêche sur le lac gelé, Volodia nous fait du thé. Malgré que ces hommes soient habitués à travailler à l'extérieur et au froid intense, ils sont aux petits soins avec nous, et nous proposent souvent de faire une pause, avec quelque chose à boire, à manger... Ces campements éphémères me rappellent les randos de mon enfance. Ils sont aussi très curieux quand je leur montre des photos de la France.






 Sasha et son fils Serguey










 Avec Serguey





  J'aime regarder le soir tomber par la fenêtre...


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Au retour, nous visitons Katya et moi le centre de culture Evenk de Nijnyangarsk, où travaille la soeur de Sasha :




Artisanat en peau de phoque.

Blasons des différentes tribus Evenks.
 

Une sorte de calendrier, ressemblant à la roue médecine des cultures amérindiennes.


Nous apprenons les rituels d'encens, de thé et de rubans.





 Sculpture représentant un chamane.



Sculpture représentant une princesse issue de la mythologie Evenk.




 Skis en bois et fourrure confectionnés par Sasha.









Dîner chez la famille de Sasha.


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 Je remonte dans le Transsibérien et quitte les montagnes environnantes de Severobaïkalsk.









 Bien que ce soient les mêmes, les paysages sont bien différents de ceux traversés en septembre. La neige recouvre tout, même les lacs et les rivières gelés. Par la fenêtre du wagon, je regarde les bouleaux défiler, nus, noirs et blancs, comme dans un vieux film muet rythmé par le staccato du train.





Contrairement à beaucoup de gens voyageant en Russie, je n'ai lu aucun classique de la littérature russe. Pourtant, les auteurs russes ce n'est pas ce qui manque : Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï, Gogol, Soljenitsyne, Tchekhov... Mais j'ai préféré attendre d'être dans ce pays pour l'apprécier sans attentes particulières, sans références, sans trop savoir à quoi ça ressemblait.

 

"D'autre part, je ne voulais pas augmenter la série de voyageurs distingués qui font leur tour de Russie, puis dissertent, plus ou moins élégamment, de ce qu'ils n'ont jamais assimilé." Ella Maillart.
Ce n'est qu'à mon retour à Paris que je découvre le récit de Ella Maillart sur son séjour en Russie en 1930 : Parmi la Jeunesse Russe. Dès les premières pages, je me sens proche de cette voyageuse : comme moi, elle est venue découvrir et vivre au présent dans ce pays, est allée à la rencontre de la jeune génération, sans se lancer dans des recherches romantiques de lieux traversés par les héros des grands classiques littéraires.
 

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Etape suivante : Novossibirsk, capitale de la Sibérie.
 Je suis accueillie par Margarita, qui est en train de concrétiser son projet professionnel visant à mettre en lien les voyageurs avec des artisans locaux, afin de montrer que la la culture russe est très riche et variée, et "ne se limite pas à Poutine ou à la vodka"...













Au détour d'une impasse, nous découvrons un bar à chats.
Ici, on peut prendre un thé, des biscuits, câliner des chats et même... en adopter !




 Novossibirsk c'est aussi des buildings, des gratte-ciels...













  Le théâtre de Novossibirsk est le plus grand de Russie... bien gardé par un imposant Lénine, regard perçant et nez au vent, et quelques travailleurs soviétiques exemplaires.



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 Grâce à Margarita, je rencontre Dmitri, un spécialiste de musique folk russe. 







Chants traditionnels russes accompagnés au gusli.


 Il a apporté une panoplie d'instruments traditionnels et nous les fait découvrir...


 C'est l'occasion pour nous d'essayer chaque instrument !






 La troupe accueillie chez Yulia, qui organise des rencontres artistiques...











Dans le centre-ville de Novossibirsk, nous rencontrons une troupe de danseurs folk amateurs, ils m'invitent à me joindre à leur cours :

Du coup, je m'essaie aux danses russes ! C'est joyeux, festif, ça crépite comme du feu, j'adore !
 
Pour lire mon blog sur les danses russes et autres danses : 
https://globedancer.wordpress.com

"Patriote" : quand je demande aux danseurs ce qu'ils ressentent quand ils dansent et pourquoi ils dansent, ceux-ci me répondent par les mots "joie", "défoulement", "fatigue bénéfique", "plaisir de la culture", et aussi "patriotisme". Voilà un mot qui, je pense en France, me semble désuet, voire presque tabou, comme du nationalisme extrême. Mais en Russie, je constate que cette idée est encore très ancrée, même chez la jeune génération.





Les membres de la troupe me montrent comment ils fabriquent eux-mêmes leurs costumes de manière traditionnelle.






De rencontre en rencontre, je découvre la jeunesse russe dans un contexte économique particulier. J'avoue que la situation politique actuelle me dépasse, d'ailleurs plusieurs Russes qui ont croisé ma route m'ont demandé ce que je pensais de Poutine... en ce qui me concerne, je ne sais quoi penser. D'ailleurs, je sens qu'il vaut mieux ne pas exprimer publiquement de critique envers la politique en place. J'imagine qu'ils ont conscience de l'impact des actions de leur gouvernement sur le reste du monde. Sachant qu'en France, les informations sur la politique mondiale sont amplement biaisées, je n'ai pas pris le temps de me faire une opinion précise sur la politique russe. Mais à travers toutes ces personnes rencontrées, j'ai constaté que, si le monde entier observe de loin et commente le gouvernement de Poutine, personne en revanche ne sait grand chose des Russes et de leur quotidien. Or, beaucoup d'entre eux essaient, chacun à leur manière, de rencontrer des voyageurs étrangers, via des associations, la plateforme couchsurfing ou autres, et prennent le temps de leur montrer autre chose de la culture russe. Beaucoup de Russes m'ont dit que "la Russie est le pays des contradictions" ! En effet, je découvre des jeunes à la fois pessimistes et joyeux : souvent accablés par la situation actuelle difficile à vivre, suite à la dégringolade du rouble et aux sanctions de l'Europe, mais fiers de leur culture et heureux de la partager avec des étrangers. La plupart espèrent que les voyageurs viendront de plus en plus nombreux en Russie afin que ce pays soit mieux connu à travers le monde, et puis que les cultures viennent à eux - puisqu'ils n'ont souvent pas les moyens de voyager eux-mêmes pour les découvrir.
 




 
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Saint-Pétersbourg :
 Après avoir traversé des villes asiatiques et sibériennes pendant près de 7 mois, je me sens à Saint-Pétersbourg comme à Paris ! Pierre-le-Grand, tsar de Russie au XVIIIe siècle, a fait appel à des architectes français et italiens pour construire les monuments emblématiques qui en font le charme aujourd'hui. Les palais impériaux et les coupoles dorées des cathédrales, les façades Art Nouveau et les intérieurs rococo, forment un mélange à la fois slave et européen. Saint-Pétersbourg, ancienne capitale de l'Empire Russe, a été appelée Petrograd puis Leningrad sous le régime soviétique, avant de retrouver son nom d'origine rappelant son fondateur. 
 
Clocher et canopée
 

Le Palais d'Hiver, au bout de la perspective Nevski.

La Neva gelée

Iles sur la rivière Neva.







Visite du Palais d'Hiver

















L'Amirauté


Les bâtiments Art Nouveau...



 ... et des immeubles insolites !



  Ancien temple protestante qui, suite à un incendie, a été reconverti en centre culturel. Je m'y rends un soir pour assister à la projection d'un film soviétique.






 Dans le métro...




Cathédrale Saint-Sauveur-du-Sang-Versé.



Son intérieur est tout en mosaïque, impressionnant...










 Palais Belosselski













 Bateau sur la Neva



 Mosquée de Saint-Pétersbourg





Forteresse Pierre-et-Paul





 Pouchkinskaya, l'art de la rue et son centre culturel



 Pouchkine, poète qui fait la fierté des Russes.


 Avec Serguey, mon couchsurfer, passionné de danse, et qui aime découvrir les coins insolites de Saint-Pétersbourg...


...et son chat, Lista !


Je découvre les cartoons soviétiques. Ce petit héro est devenu une vraie mascotte !




Serguey m'emmène en banlieue de Saint-Pétersbourg rencontrer une association qui s'occupe de chiens errants. Les bénévoles les recueillent dans la rue, les vaccinent, et l'on peut venir au foyer chercher un chien pour le balader une heure ou deux. Nous faisons donc une promenade avec Zack, un jeune chien noir.


 L'Aurora, le bateau qui donna le signal pour débuter la révolution en octobre 1917, il y a cent ans.






Visite du Palais Peterhof, le Palais d'Eté de la famille impériale :












 En hiver, les jardins sont moins jolis mais le soleil fait resplendir les toits dorés.



 La mer face au palais... elle gèle dans les recoins du petit port.









 Les fontaines ne fonctionnent pas en hiver, mais le Palais Peterhof est le petit Versailles de Saint-Pétersbourg !






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 Eglise Saint-Isaac



 Place Saint-Isaac, vue sur la ville depuis le dôme de l'église.



 Cathédrale de la Trinité



 A l'intérieur de l'église Saint-Isaac


















Cathédrale Saint-Nicolas-des-Marins.





Le célèbre théâtre Mariinsky, ancien Kirov.

 

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